1. Historique

2. La danse

3. La musique

Les danses créoles sont issues de la créolisation des danses européennes. Leur histoire se découpe en quatre grandes périodes:
- XVIIe siècle : le menuet,
- XVIIIe siècle : contredanses quadrilles et cotillons,
- XIXe siècle : danses par couples (valses, biguines),
- L’époque contemporaine et l’avènement du zouk.

XVIIIe siècle, à la cour de Versailles : les danses de société (danses pratiquées par la bourgeoisie, distinctes des danses de cour et des danses populaires), dont le principal avantage était de déployer de l’élégance, de prendre de belles attitudes et se mouvoir selon les règles de l’esthétique, sont en pleine décadence.

Elles sont progressivement supplantées par les contredanses (de "country dance": danses de campagne, importées en France en 1710 par un maître anglais), plus ludiques et plus variées.

Les danses européennes traversent les océans avec les coloniaux, les visiteurs, les marins, les comédiens de passage, ou encore à travers les encarts des journaux de mode.

Suivant les modes métropolitaines, l’art musical aux Antilles fait partie du décor et du style de vie.

Sa pratique est un signe de considération, de prestige, et deviendra peu à peu une exigence sociale, un signe distinctif de la famille bourgeoise.
La danse, langage émotionnel, mimétique, non conditionné par les mots, occupe une place prépondérante car particulièrement adaptée à la communication entre des hommes, pour la plupart, analphabètes.
Il faut noter qu’à l’exception des grands colons, des administrateurs et des religieux, les Européens (d’origine paysanne en grande majorité) qui peuplent les colonies sont tout aussi ignorants que leurs esclaves (ils ignorent en particulier la musique savante), ont des croyances tout à fait similaires aux leurs, chantent et dansent aux mêmes occasions et ne diffèrent d’eux que par la situation sociale.

Dans toutes les colonies la classe dominante pratique les bals, nécessitant un personnel nombreux pour l’organisation des festivités.
Afin de prêter main-forte aux professionnels venus d’Europe, les colons permettent à certains esclaves d’étudier la musique européenne et devenir des instrumentistes érudits.

Les menuets sont, aux premières années de la colonisation, les seuls divertissements de la société coloniale. Bientôt jugés trop guindés (influence africaine) ils seront, afin d’égayer et apporter aux bals une touche de sensualité, peu à peu remplacés par le menuet Congo, danse issue d’un mélange de menuet et du rythme africain le goumbé ou calenda (les musiciens noirs agencèrent sans difficulté la mesure à 3/4 du menuet à celle à 6/8 du goumbé), rythme accompagnateur des danses coloniales des Antilles françaises, antérieurement admis par les maîtres dans un souci de stabilité.

Dès leur arrivée dans les colonies, début XVIIIe, les contredanses seront de tous les bals, détrônant définitivement le menuet versaillais.
Le menuet congo demeure. Il s’inclut dans la contredanse et plus tard, rivalise en son sein en la créolisant, introduisant le tambour au cotés du violon.
La contredanse créole voit aussi apparaître le chant; le violon enchaîne la mélodie tandis qu’un “maître de danse” ou “commandeur” exécute la ritournelle d’une voix posée et nonchalante, dans un style récitatif, invitant les danseurs à suivre les cadences, leur rappelant les figures à exécuter ainsi que leur ordre d’exécution.
Après l’Empire et la valse, c’est au tour du quadrille de s’imposer dans les contredanses.
Le caractère primitif de ce style chorégraphique serait celui d’une danse pastorale, auquel répondent encore les noms de ses principales figures : l’été, la poule, la pastourelle et le pantalon.
Il ne conquiert guère les classes bourgeoises, mais rencontre un succès sans précédent dans les classes populaires.

L’esclave adopte le quadrille d’abord pour parodier son maître, avant de se l’approprier selon ses propres codes, développer par la suite une véritable sensibilité à cette danse, au point d’en faire l’un des pans fondateurs de la culture musicale qui émergera, dans les Antilles françaises, après l’abolition de l’esclavage de 1848.

À cette époque, les danses en couples se sont imposées depuis une dizaine d’années en Europe et arrivent à leur tour aux Antilles.
Les Noirs ont désormais accès à la vie sociale, mais leur insertion est lente et difficile car le maintien du préjugé de race et des inégalités perdurent ; une loi n’a pas le pouvoir de changer immédiatement les mentalités surtout quand elle porte atteinte à des intérêts financiers et des privilèges sociaux.

Les bals de quadrilles prennent ensuite la forme de cotillons, bals où une grande place est accordée aux danses de couples : valses, mazurkas et polkas, qui séduisent beaucoup. La porte est alors franchement ouverte à la volupté, à la sensualité. On choisit sa cavalière, on la prend dans ses bras et l’on danse avec elle.

Gardant les habitudes prises, les musiciens noirs et mulâtres (autre résultat du mélange maître-esclave) continuent à créoliser les danses européennes - la polka fait une carrière fulgurante et donnera naissance à la biguine - mais progressivement, grâce à une polyrythmie très riche, typiquement africaine, ils créent et font évoluer un style propre auquel colons et bourgeois, impuissants, ne pourront s’opposer.

Il est tout à fait permis de présenter la danse comme une des composantes essentielles du mouvement de résistance des esclaves, dans les petites Antilles en particulier, dont l’exiguïté géographique ne permettait pas la formation de villages marrons comme à la Jamaïque ou à Cuba. Les esclaves profitaient alors de leurs assemblées, au cours desquelles ils dansaient, pour comploter discrètement contre le système esclavagiste.

Le maître blanc s’est consciencieusement employé à “désafricaniser” l’esclave, mais rien n’a finalement pu empêcher le potentiel sensuel africain de s’imposer dans la musique et la danse aux Antilles.
Une nouvelle histoire musicale et chorégraphique, synthèse de deux cultures, voit alors le jour dans cette région du monde, et poursuit aujourd’hui son évolution, dans une bipolarité afro-européenne tendant à plutôt se rapprocher des racines noires (reggae, ragga, zouk) de la population autochtone.

Malgré un mouvement de revendication d’identité, mené par les intellectuels guadeloupéens dans les années 1970, tendant à rejeter toutes les musiques ayant subi une forte influence occidentale, telles le quadrille et la biguine, une grande majorité d’antillais continue d’observer un respect marqué pour certains vestiges de la période coloniale, dont l’activité encore vivace - d’ordre traditionnel et non folklorique - des bals de quadrille, est le meilleur exemple.

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