1. Genèse du projet

2. Repérages

3. Intentions

 

Mon premier séjour en Guadeloupe date du milieu des années 90.
Un ami musicien, passionné des musiques de Louisiane s’était installé quelques mois auparavant dans une petite ville de la côte atlantique. Il avait envisagé un séjour sur quelques années afin d’établir, par un apprentissage des rythmes et mélodies présents sur l’île, la relation de créolité entre ces deux cultures musicales cousines.

Son projet personnel devait aboutir à l’enregistrement d’un disque. Notre projet commun était de découvrir les différentes facettes de l’activité musicale locale avec une attirance plus prononcée pour la biguine, pour la musique des anciens d’une manière générale.

L’une d’elle - Le Quadrille - allait donner une dimension supérieure à mon voyage.
Difficile d’imaginer, loin de la carte postale de bureau - ti punch, cocotiers et mer turquoise - les rassemblements réguliers, presque confidentiels, d’adeptes d’une sorte de menuet créole pratiqué sur l’île depuis environ… deux siècles!
Je me souviens avoir été subjugué comme on peut l’être par quelque chose de réellement extraordinaire.

Cette variante de la contredanse européenne, en vogue dès le début du XIXème siècle à la cour de Versailles, importée par la société blanche lors de son établissement colonial aux Indes Occidentales, est encore largement répandue (Balakadri, en créole) en Guadeloupe et dans l’ensemble de la Caraïbe.

C’est à ces réunions d’initiés que j’ai eu l’opportunité d’être convié - presque intronisé - lors de mes séjours suivants.

Ainsi, à l’heure où la température nocturne se fait douce sur la campagne, musiciens et danseurs convergent vers les lieux de danse. Après les salutations d’usage, la salle entre dans le vif du sujet quand le Commandeur invite les danseurs à se rassembler d’un « Cavaliers aux dames ! » puissant.

Représentant symbolique du « kapo » de la plantation, il est là pour guider les danseurs sur les figures à exécuter, les postures à adopter.

Des groupes de quatre couples se forment alors que la musique démarre, accordéon en tête.
« Première figure :Pantalon ! », les couples se mettent à tournoyer guidés par les indications que le « maître de danse » distille dans un style chanté parlé mi-français, mi-créole, qui fait penser au rap.

Les corps sont droits, les attitudes dignes, les pas mesurés, le voyage dans un autre temps vient de commencer.

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